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la lutte des classes en france

peuple, si elle ne tirait pas sa bourse ; il achetait annuellement son silence avec trois millions. Elle avait dérobé le droit du suffrage à trois millions de Français. Il réclamait pour chaque Français n’ayant plus cours, un franc ayant cours, ce qui faisait exactement trois millions de francs. Lui, l’élu de six millions, il demandait une compensation pour les voix dont on l’avait filouté après coup. La commission de l’assemblée dénia l’urgence. La presse bonapartiste menaça. Est-ce que l’assemblée pouvait rompre avec le président de la république en un moment où elle-même avait rompu essentiellement. définitivement avec la masse de la nation ? Elle repoussa la liste civile annuelle, mais accorda un supplément unique de 2.160.000 francs. Elle se rendait ainsi coupable d’une double faiblesse ; elle accordait l’argent et elle montrait par son humeur qu’elle ne le donnait qu’à contre cœur. Nous verrons plus tard à quoi Bonaparte employa cet argent. Après cet épilogue désagréable qui suivit immédiatement l’abolition du suffrage universel et où Bonaparte vendit avec une impudence provocante au parlement usurpateur l’humilité de sa conduite pendant la crise de mars et d’avril, l’Assemblée s’ajourna pour trois mois, du 11 août au 11 novembre. Elle laissait derrière elle une commission permanente de 18 membres qui, si elle ne comprenait pas de bonapartistes, comptait par contre quelques républicains modérés. La commission permanente