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le xviii brumaire de louis bonaparte
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de ses alliés. Proudhon avait-il complètement tort quand il criait à ces messieurs : « Vous n’êtes que des blagueurs[1] ! »

Le 13 juin, le parti de l’ordre n’avait pas seulement abattu la Montagne, il avait soumis la constitution aux décisions de la majorité de l’Assemblée nationale. Il concevait la République de la façon suivante : la bourgeoisie régnait maintenant sous des formes parlementaires sans trouver d’obstacle, comme sous la monarchie, dans le veto du pouvoir exécutif ou dans la dissolution du Parlement. Telle était la République parlementaire, comme Thiers la nommait. Mais si la bourgeoisie, grâce au 13 juin, assurait sa toute-puissance dans les limites du lieu de ses séances, ne frappait-elle pas, vis-à-vis du pouvoir exécutif et du peuple, ce Parlement de faiblesse incurable en le privant de sa fraction la plus populaire ? En livrant, sans autres cérémonies, de nombreux députés aux réquisitions des parquets, n’anéantissait-elle pas sa propre inviolabilité parlementaire ? Le règlement humiliant qu’elle impose à la Montagne élève le président de la République dans la mesure où il abaisse chaque représentant du peuple. En flétrissant comme anarchiste, comme un acte tendant au bouleversement de la société l’insurrection entreprise pour défendre la constitution, ne s’interdit-elle pas elle-même d’appeler à l’insurrection dès

  1. En français dans le texte.