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la lutte des classes en france

grands industriels, avait régné sous la monarchie de Juillet : elle était donc orléaniste. Les grands dignitaires de l’armée, de l’Université, de l’Église, du barreau, de l’Académie et de la presse étaient partagés, bien qu’en proportion inégale, par ces deux courants. Ils avaient trouvé la forme d’État sous laquelle ils pouvaient régner en commun dans la République bourgeoise, qui ne portait ni le nom de Bourbon, ni celui d’Orléans, mais bien celui de capital. L’insurrection de Juin les avait déjà réunis en « parti de l’ordre ». Maintenant il s’agissait d’abord de mettre à l’écart la coterie des républicains bourgeois qui occupait encore les sièges de l’Assemblée nationale. Autant ces « républicains purs » avaient agi brutalement vis-à-vis du peuple, abusé à son égard de la force physique, autant ils montraient de lâcheté devant le pouvoir exécutif et les royalistes ; filant doux, abattus, incapables de résistance, ils lâchaient pied quand il s’agissait de proclamer leur républicanisme et de revendiquer leur droit législatif. Je n’ai pas à raconter ici la honteuse histoire de leur décomposition. Ils n’ont pas péri : ils ont disparu. Leur histoire est à jamais terminée. Dans les périodes suivantes, ils ne figurent que comme souvenirs, soit dans l’Assemblée, soit en dehors d’elle, souvenirs qui paraissent reprendre un peu de vie lorsqu’il s’agit uniquement du nom de République, et chaque fois que le conflit révolutionnaire paraît devoir s’abaisser au niveau le plus bas. Je remarque en