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le xviii brumaire de louis bonaparte
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J’ai montré autre part quelle était l’importance de l’élection du 10 décembre. Je n’y reviens pas. Il suffit de remarquer qu’elle était une réaction des paysans qui avaient dû payer les frais de la révolution de Février, réaction dirigée contre les autres classes de la nation, réaction de la campagne contre la ville. Elle trouva un grand écho d’abord dans l’armée à qui les républicains du National n’avaient su fournir ni gloire, ni haute paie, puis dans la grande bourgeoisie qui voyait en Bonaparte le pont qui la conduirait à la monarchie, enfin chez les petits bourgeois et les prolétaires qui saluaient en lui le fléau de Cavaignac. Je trouverai plus tard l’occasion d’étudier de plus près la situation où les paysans se trouvent vis-à-vis de la révolution française.

L’intervalle qui s’étend du 20 décembre 1848 à la dissolution de la Constituante en mai 1849 comprend l’histoire de la chute des républicains bourgeois. Après avoir fondé une République au profit de la bourgeoisie, chassé le prolétariat révolutionnaire du champ de bataille et réduit momentanément au silence la petite bourgeoisie démocrate, ils sont eux-mêmes mis à l’écart par la masse de la bourgeoisie qui, à bon droit, confisque cette République qu’elle considère comme sa propriété. Mais cette masse bourgeoise était royaliste. Une partie, les grands propriétaires fonciers, avait régné sous la Restauration ; elle était donc légitimiste. L’autre, les aristocrates de la finance et les