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le xviii brumaire de louis bonaparte
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tombés en décomposition. Il en est de cette nation comme de cet Anglais fou à Bedlam qui pense vivre à l’époque des anciens Pharaons et se lamente tous les jours sur le dur travail qu’il est contraint d’accomplir comme mineur dans les mines d’or d’Ethiopie. Il croit être muré dans cette prison souterraine ; une lampe avare de sa lumière est fixée sur sa tête ; derrière lui se trouve le surveillant armé d’un long fouet ; les issues sont gardées par une troupe disparate de mercenaires barbares incapables de comprendre les forçats dans les mines, incapables même de s’entendre entre eux : ils ne parlent pas la même langue. « Et l’on exige tout cela de moi », soupire le fou, « de moi, Breton né libre pour pouvoir fournir d’or les anciens pharaons. » « Pour payer les dettes de la famille Bonaparte » — soupire la nation française. — L’Anglais, tant qu’il était dans son bon sens ne pouvait se débarrasser de l’idée fixe de se procurer de l’or. Les Français, tant qu’ils étaient en révolution, ne pouvaient chasser les souvenirs napoléoniens comme le montra l’élection du 10 décembre. Au milieu des dangers de la Révolution, ils soupiraient après les oignons d’Égypte, et le 2 décembre 1851 fut la réponse. Ils n’ont pas seulement la caricature de Napoléon Ier ; ils possèdent Napoléon Ier, mais sous les traits caricaturés qu’il doit avoir au milieu du xixe siècle.

La Révolution sociale du xixe siècle ne peut