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la lutte des classes en france

mentaire (réponse à l’élection d’Eugène Sue), frappa d’un impôt, jusqu’à concurrence d’un certain nombre de feuilles, toutes les publications paraissant hebdomadairement ou mensuellement et ordonna finalement que chaque article du journal fut muni de la signature de l’auteur. Les prescriptions sur le cautionnement tuèrent la presse que l’on appelait révolutionnaire. Le peuple considéra leur disparition comme une satisfaction donnée à l’abolition du suffrage universel. Cependant ni les tendances, ni les effets de cette loi ne s’étendirent uniquement à cette partie de la presse. Tant que la presse quotidienne fut anonyme, elle sembla être l’organe de l’opinion publique anonyme, innombrable. Elle était le troisième pouvoir dans l’État. La signature de chaque article fit d’un journal la simple collection de contributions littéraires émanant d’individus plus ou moins connus. Chaque article tomba au rang d’annonce. Jusqu’alors les journaux avaient circulé comme papiers-monnaie de l’opinion publique. Ils étaient réduits maintenant à n’être plus qu’une seule lettre de change dont la valeur et la circulation dépendaient du crédit non seulement du tireur, mais encore de l’endosseur. La presse du « parti de l’ordre » avait provoqué non seulement à l’abolition du suffrage universel, mais encore aux mesures les plus extrêmes contre la mauvaise presse. D’ailleurs la bonne presse elle-même, avec son anonymat inquiétant, était