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la lutte des classes en france

s’élevant à 12 millions environ. On comprend, dès lors, la haine du peuple en général et surtout le fanatisme des vignerons contre l’impôt des boissons. De plus on ne voyait pas dans son rétablissement un fait isolé, plus ou moins fortuit. Les paysans possèdent une espèce de tradition historique qui se transmet de père en fils. Dans ces enseignements murmurés à l’oreille, on apprend que tout gouvernement, tant qu’il veut tromper le paysan promet, la suppression de l’impôt sur les vins, mais que, dès qu’il l’a trompé, il le conserve ou le rétablit. C’est à cet impôt que le paysan reconnaît le « bouquet » du gouvernement, sa tendance. Le rétablissement de l’impôt des boissons le 20 décembre, signifiait : Louis Bonaparte est comme les autres. Mais il était cependant différent des autres ; il était une invention des paysans, et ceux-ci, dans les pétitions contraires à cette taxe et qui comptaient des millions de signatures reprenaient les suffrages qu’ils avaient accordé un an auparavant au « neveu de son oncle ».

La population campagnarde, qui forme plus des deux tiers de la population française, consiste principalement en ces propriétaires fonciers que l’on qualifie de libres. La première génération, affranchie gratuitement des charges féodales par la révolution de 1789 n’avait pas payé la terre ; mais les générations suivantes payaient, sous la forme de prix du sol, ce que leurs devanciers demi-serfs avaient payé sous forme de rente, de dîme, de corvée, etc.