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de juin 1849 au 10 mars 1850
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position au nom du ministère bonapartiste, et le 20 décembre 1849, jour anniversaire de la proclamation de Bonaparte, l’Assemblée décida le rétablisment de l’impôt des boissons.

Le précurseur de cette restauration n’était pas un financier : c’était le chef des Jésuites, Montalembert. La déduction était d’une simplicité frappante. L’impôt est la mamelle qui allaite le gouvernement. Le gouvernement, ce sont les instruments de répression, les organes de l’autorité ; c’est l’armée, c’est la police, ce sont les fonctionnaires, les juges, les ministres, ce sont les prêtres. Une attaque contre les impôts, c’est une attaque dirigée par les anarchistes contre les sentinelles de l’ordre qui défendent la production matérielle et intellectuelle de la société bourgeoise contre les assauts des Vandales prolétariens. L’impôt, c’est le cinquième dieu, à côté de la propriété, de la famille, de l’ordre et de la religion. L’impôt des boissons est incontestablement un impôt ; de plus ce n’est pas un impôt commun, il est traditionnel, d’esprit monarchique, respectable : « Vive l’impôt des boissons ! Three cheers and one cheer more ! »

Quand le paysan français veut voir le diable, il lui donne les traits du percepteur. Du moment que Montalembert fait de l’impôt un dieu, le paysan devient athée et se jette dans les bras du diable, du socialisme. La religion de l’ordre l’avait trompé, les Jésuites l’avaient trompé ; Bonaparte l’avait trompé. Le 20 décembre 1849 avait irrémédiable-