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Premièrement, l’ά̀πειρον exprime pour Épicure une qualité qui est commune aux atomes et au vide. Dans cette acception, il signifie l’infinité du tout, qui est infini par l’infinie pluralité des atomes, par l’infinie grandeur du vide[1].

En second lieu, l’ά̀πειρία (l’état-illimité) est la pluralité des atomes, de sorte que ce n’est pas l’atome, mais la pluralité infinie des atomes qui s’oppose au vide[2].

Enfin, si nous pouvons conclure de Démocrite à Épicure, ά̀πειρον signifie également le contraire direct, le vide infini, qu’on oppose à l’atome déterminé en soi et limité par lui-même[3].

Dans toutes ces significations — et ce sont les seules, et même les seules possibles pour l’atomistique —, l’infini n’est qu’une détermination de l’atome et du vide. Néanmoins, il est rendu autonome et devient une existence particulière, et est même posé comme une nature spécifique à côté des principes dont il exprime la déterminité.

Que ce soit donc Épicure lui-même qui ait fixé la détermination dans laquelle l’atome devient στοιχει̃ον comme une espèce indépendante et originaire d’atomes, ce qui d’ailleurs, d’après la prépondérance historique de l’une des sources sur l’autre, n’est pas le cas ; ou que Métrodore, le disciple d’Épicure, ait été, ce qui nous paraît plus vraisemblable, le premier à transformer la détermination différenciée en une existence différenciée[4], nous devons attribuer au mode subjectif de la conscience atomistique l’autonomisation des moments singuliers. Ce n’est pas parce que l’on prête à des déterminations différentes la forme d’une existence différente qu’on a conçu leur différence.

L’atome n’a pour Démocrite que la signification d’un στοιχει̃ον, d’un substrat matériel. La distinction entre l’atome comme όρχή l’atome comme στοιχει̃ον, entre l’atome comme

  1. . Diog. X 41.
  2. . Plut. ibid. 1114 B, 13.
  3. . Simpl., p. 488.
  4. . Pseudoplut. 879 B-C (1 S) ; Stob. ecl. I, XXII 3 a (§ 496).