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commandée par le devenir du système lui-même. On sait que Hegel aboutissait, de par le mouvement de sa rigueur, à voir dans l’État prussien l’incarnation de la Raison et le terme final de la dialectique. Cette conclusion comportait deux exigences :

— Le Savoir absolu de Hegel est l’Esprit (la Raison) qui se sait lui-même, la réalité effective venue à la conscience de soi, la réconciliation de l’essence et de l’existence. Un tel savoir, ayant supprimé la différence en tant que telle, c’est-à-dire toutes les formes possibles de différence qui l’opposaient au monde, rejetait la possibilité d’une production idéologique qui lui serait extérieure. La constatation empirique du comportement rationnel de l’État devait consacrer l’union retrouvée de l’Esprit et du monde, du sujet et de la substance, de la nature et de l’être pour soi. Par la rationalité de l’État se trouvait donc niée toute différence entre la pratique individuelle idéologique et le monde réel-rationnel, et donc la possibilité d’une philosophie nouvelle. Si les Vieux hégéliens assumaient en fait la responsabilité de la mort de la philosophie dans une répétition pure et simple du système hégélien, c’est que la nécessité de droit d’une telle mort se trouvait dans ce système lui-même. Le Savoir absolu ne doit pas avoir de successeurs, mais des héritiers, et encore des héritiers complaisants qui parviennent, à partir de la lettre morte des textes qui le consignent, à le répéter en eux-mêmes. Il ne saurait supporter aucun développement nouveau.

— Cette dernière proposition a son pendant dialectique : de même que le Savoir absolu a terminé son développement, l’expression objective de ce Savoir, l’État réel, doit conserver au fil du temps les déterminations essentielles de son concept. Le conservatisme politique de Hegel n’est pas un élément sentimental venu troubler une problématique philosophique pure, c’est la conséquence rigoureuse de son principe.

Hegel ne dit certes pas que le monde empirique cesse d’exister dans la mesure où il est coupé du Savoir absolu ! Le réel n’est pas l’empirique, et le philosophe admet qu’un