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Ce n’est qu’au xviiie siècle et dans la « société bourgeoise » que les différentes formes des rapports sociaux se dressent devant l’individu comme un simple moyen pour ses buts privés, comme une nécessité extérieure. Mais l’époque qui produit ce point de vue, celui de l’individu isolé, est justement celle où les conditions sociales (générales de ce point de vue) ont atteint le plus haut degré de développement.

L’homme est au sens le plus littéral un zoon politikon, non seulement un animal sociable, mais encore un animal qui ne peut s’isoler que dans la société. La production par des individus isolés, en dehors de la société — fait rare qui peut bien se produire lorsqu’un civilisé, qui dynamiquement possède déjà en lui les forces de la société, s’égare accidentellement dans une contrée sauvage — est une chose aussi insensée que le développement du langage dans l’absence d’individus vivant ensemble et parlant ensemble. Inutile de s’arrêter à cela plus longtemps. Il n’y aurait même pas lieu de toucher ce point, si cette fadaise, qui avait un sens et une raison chez les hommes du xviiie siècle, n’avait pas été réintroduite sérieusement en pleine économie politique par Bastiat, Carey, Proudhon, etc. Pour Proudhon et d’autres encore, il est naturellement agréable de faire de la mythologie sous prétexte de donner des explications historico-philosophiques d’un rapport économique dont ils ignorent, la genèse historique. C’est Adam ou Prométhée qui d’emblée en eurent l’idée et alors elle fut introduite, etc. Rien de plus aridement ennuyeux que le locus communis qui se fait fantaisiste.