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bourgeoise » qui se préparait depuis le xvie siècle et qui au xviiie marchait à pas de géant à sa maturité. Dans cette société de libre concurrence, l’individu apparaît comme détaché des liens de la nature, lesquels aux époques antérieures de l’histoire font de lui une partie intégrante d’un conglomérat humain déterminé, délimité. Pour les prophètes du xviiie siècle, qui portent sur leurs épaules Smith et Ricardo, cet individu du xviiie siècle — le produit d’une part de la dissolution des formes de société féodales, d’autre part des forces productives nouvellement développées depuis le xvie siècle — apparaît comme un idéal dont l’existence appartient au passé. Non pas comme un résultat historique mais comme le point de départ de l’histoire.

Parce que cet individu paraissait conforme à la nature et qu’il [répondait][1] à leur conception de la nature humaine, il [n’apparaissait pas] comme se produisant historiquement mais comme posé par la nature. Chaque nouvelle époque a jusqu’ici partagé cette illusion. Steuart, qui en sa qualité d’aristocrate se place à certains égards et en opposition avec le xviiie siècle sur un terrain plus historique, a échappé à cette niaiserie. Plus haut nous remontons dans l’histoire, plus l’individu, et partant l’individu producteur aussi, apparaît comme dépendant et faisant partie d’un tout plus grand ; d’abord d’une manière toute naturelle encore, d’une famille et d’une tribu qui est la famille élargie ; ensuite d’une communauté sous ses différentes formes, issue de l’antagonisme et de la fusion de la tribu.

  1. Les mots entre crochets ont été ajoutés par Kautsky.