Page:Marty-Laveaux - Études de langue française, 1901.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

mot est encore quelquefois en usage dans le style très familier. On appelle, en badinant, une petite fille : Ma petite rate. »

Quand on est en veine de rapprochements, on ne devrait pas s’arrêter en si beau chemin. Charles Nodier avait déjà remarqué que ce mot est commun en province, et Ton trouve dans Nicot ratepenade pour chauve-souris. Tout cela était de nature à éveiller l’attention. Quelques recherches dans nos anciens ouvrages d’histoire naturelle auraient suffi pour résoudre la difficulté. On lit dans la traduction de Pline, par du Pinet, le passage suivant :

« Pour éclaircir la veuë à ceux qui l’auroient troublée, on dit que la cendre des testes et queuës de souris y est fort bonne, et plus encore quand cette cendre est faite de testes et queues de rattes rousses ou de rats velus[1]. »

Il n’était même pas nécessaire de chercher si loin, et l’on pouvait, sans quitter le recueil de fables publié par M. Dézobry, rencontrer une autorité bien autrement importante. En effet, après y avoir lu, à la page 413, que rate est un mot imaginé par La Fontaine, on y trouve, à la page 444, la charmante fable adressée par Marot à son ami Lyon, au milieu d’une de ses épîtres, dans laquelle on rencontre les vers suivants :

Adonc le rat, sans serpe, ne cousteau,
Y arriva joyeux et esbaudy,
Et du lyon (pour vray) ne s’est gaudy :
Mais despita chatz, rates et ratons.

Un peu plus loin le rat dit au lion :

Secouru m’as fort lyonneusement,
Or secouru seras rateusement.

Voilà, sans aucun doute, l’origine de cette rateuse sei-

  1. Liv. XXIX, ch. VI, t. II, p. 388.