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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

doit être fort surpris de l’étrange rapport que présentent deux mots donnés comme si différents.

Tandis qu’il s’étonne, les grammairiens de profession, que rien n’arrête, acceptent tout comme paroles d’Évangile ; bien loin de chercher à démêler l’erreur, ils l’augmentent de leurs inventions, et se servent du témoignage de l’Académie pour dresser l’acte d’accusation de nos meilleurs écrivains. Napoléon Landais, par exemple, ajoute au sens propre indiqué par l’Académie au mot Appas, une nouvelle acception qu’un lexicographe plus hardi donnera sans doute quelque jour pour la signification primitive. « Ce mot, dit-il, signifie particulièrement : la beauté des formes, et familièrement, plus spécialement encore le sein ». Cette définition placée au commencement de l’article, le conduit à critiquer ces vers de la Ve cantate de J.-B. Rousseau :

Tous les amants savent feindre :
Nymphes, craignez leurs appas.

Il pose d’un ton magistral le dilemme suivant : « Ou l’auteur a entendu, par appas, beauté : or, appas n’admet aucun sens relatif aux hommes ; ou il a entendu moyens de séduction, et, dans ce cas, c’est appâts qui eût été le mot propre. »

Nous n’avons que trop longuement établi qu’appas s’est écrit pour appâts surtout au figuré, et qu’avant 1694 il n’était pas même permis de l’écrire autrement. Quand à employer appas en parlant de la beauté, de la grâce, de la bonne tournure d’un homme, rien ne paraissait aussi légitime, lorsque ce mot n’avait pas encore subi, dans les Dictionnaires, toutes les altérations de sens que nous avons signalées.

Ce n’est pas, toutefois, sans une certaine appréhension que nous rapportons le passage suivant, bien persuadé que nous sommes de le voir reprocher à La Fontaine par nos grammairiens, comme une preuve de plus