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LE MUSICIEN DE PROVINCE

les cachots de l’inquisition, le sommeil de son bien-aimé.

Jamais M. Grillé n’avait osé parler à Mme Muret de l’opéra de Meyerbeer. L’allusion lui paraissait grossière et il attendait que des mois de familiarité lui permissent, l’occasion aidant, de glisser un mot sur ce sujet.

Mme Muret le devança et un soir, à l’heure musicale, lui présenta en souriant la partition. M. Grillé fut ravi.

Il avait une voix de ténor un peu cassée, mais qu’il maniait encore en musicien. La grande baie du salon ouverte sur la vallée splendide, il se mit au piano et entonna le fameux :

Pays merveilleux
Jardins fortunés
......

Salut, salut ! ô nouveau monde
… Vasco t’a conquis !
...........

Les pauvres accords de Meyerbeer, plaqués d’une main forte et fiévreuse, prenaient de l’allure dans ce décor d’été.

M. Grillé, tout en interprétant Vasco, fixait du regard un massif de géraniums qui lui rappelait les fleurs répandues à terre du mancenillier au parfum mortel, et lorsque le chanteur