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LE MUSICIEN DE PROVINCE

M. Grillé, homme simple, cérémonieux, poli et franc pour comprendre le langage de cette petite compliquée sournoise qui se croyait naturelle parce qu’elle se donnait le ton et l’insolence d’un voyou.

Tous les mots et tous les sourires de Mlle Lakmé signifiaient : « Pauvre vieux ! Si tu savais jusqu’à quel point je me moque de la beauté, de la musique, de la peinture, de la nature et du charme de la conversation, tu ne te donnerais pas tant de peine. Il faut que tu sois un peu naïf pour te figurer, à ton âge, que je pense à autre chose qu’à l’argent et au prurit. Tu me rases, je ne te l’envoie pas dire ; zut ! assez ! »

Avec sa cigarette éteinte au coin des lèvres, sa voix de souteneur et ses petits yeux gris d’homme d’affaires implacable et dur, Mlle Lakmé symbolisait, si vous voulez, la Société contemporaine.

M. Grillé, avec sa sincérité, sa ridicule redingote, la façon dont il essayait d’ennoblir ses moindres gestes et ses phrases, la jeunesse de ses enthousiasmes, c’était, si vous voulez encore, le romantisme,… le romantisme impuissant devant l’indifférence brutale et toujours avide d’images éclatantes, attiré par le miroitement des faux bijoux dans la clairière ensoleillée.