Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
LE MUSICIEN DE PROVINCE

Le bonhomme se faisait toutes sortes de réflexions et quelque chose en lui fut brisé pour toujours. Il souffrit de ne savoir que la moitié de ce qu’il eût fallu savoir. Ses démonstrations furent moins assurées, ses conseils moins précis. Il multiplia en parlant ses petits pas précipités qui ressemblaient à des excuses réitérées ; il mit de plus en plus les deux mains sur ses yeux, comme si un monde de contradictions l’empêchait de formuler clairement ce qu’il avait saisi avec son expérience et sa sensibilité !

Des examens en préparation avaient fait cesser mes leçons ; je ne voyais plus M. Grillé que de temps à autre.

Un beau matin, j’allai prendre de ses nouvelles. Mme Grillé me dit : « Moussier, i lou va beaucoup mieux ; i lou sort un peu en vouaiture, mais i lou a été bien malade ; lou médecin a dit que çou était nervou, qu’il valait mieux interrompre les leçons, toutes. Et lou mousique, moussier, lou mousique, e lui faisait dou mal. Heureusement i va mieux. »

Je fus navré, me doutant d’ailleurs de la diminution des moyens d’existence du pauvre père Grillé.

Qu’allait devenir l’Académie de musique ?

Plus de leçons, le médecin et les remèdes à payer.

Quand je retournai chez M. Grillé, je ne le trouvai pas aussi abattu que mes inquiétudes