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LE MUSICIEN DE PROVINCE

Souvent ainsi, j’en conviens, il m’obligea à m’extasier devant des œuvres romantiques d’un mérite assez court dont il percevait, jusqu’à un certain point, les faiblesses. Et son humeur changeante, augmentée de ses facultés d’adaptation, fit que Bergeat chercha bientôt des arguments contre l’école romantique et ses dérivés.

Il en résulta une confrontation qui devait rendre plus stable encore ma manière de voir.

M. Grillé et M. Turquey n’avaient jusqu’alors échangé que des saluts aux réunions du samedi. L’idée de les faire se rencontrer à sa table hanta quelque temps Bergeat, sûr de lui dès qu’il s’agissait d’amortir un choc et de faire rentrer des griffes hostiles.

Bergeat mit son projet à exécution et jamais je ne pourrai oublier à quel point M. Turquey m’apparut sinistre et M. Grillé délicieux.

Avec les deux professeurs et moi il n’y avait qu’un convive à la maison, un parent éloigné de Bergeat, de passage à Turturelle.

J’étais, à table, à côté de M. Grillé, je voyais son singulier profil, ses yeux proéminents, sa lèvre inférieure très rentrée par rapport à l’ensemble de son visage ; j’écoutais l’harmonie solennelle de sa voix.

En face de moi il y avait M. Turquey dont le lorgnon couvrait des yeux ternes. Sa peau était jaune ; elle semblait faite d’une substance huileuse qui serait descendue de ses cheveux épais