Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
LE MUSICIEN DE PROVINCE

passablement du violoncelle. Cela tient surtout à ce qu’il fut jadis cordonnier et le mouvement du bras pour manier l’alène a quelque rapport avec celui qu’il faut pour l’archet… Il y a encore M. Lerat-Demailly qui ne prêtera pas son concours à une fête de bienfaisance. Chacun sait qu’il est l’avarice même… Pour ce qui est du petit Dezile, il se croit violoniste. Je l’ai eu autrefois dans mon orchestre où il faisait une troisième partie de clarinette… très mal !… »

Ce travers une fois admis, la conversation de M. Grillé était intéressante pour l’enfant que j’étais, peu habitué par ses autres maîtres à des termes admiratifs et passionnés.

Elle se résumait avec ces mots : « La musique, c’est mon dieu ! »

Quant aux préférences de M. Grillé, elles correspondaient exactement à l’éducation qu’il avait reçue au conservatoire de Paris, de gens quelconques, ignorants et diplomates. On pouvait même dire que M. Grillé n’avait pas eu de chance. Il avait suivi le cours de composition dans la classe d’Elwarth, l’auteur bien oublié des Catalans. Élève de Lesueur, en même temps que Berlioz, le médiocre Elwarth vieillit dans l’enseignement officiel, réfractaire à toute tentative, ennemi naturel de son romantique camarade qui disait de lui : « S’il doit parler sur ma tombe, j’aime mieux ne pas mourir ! »

Les admirations de M. Grillé se ressentaient