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leur vie hors de ce monde trop réel ! Avoir des ailes, pour les briser, hélas, contre les barreaux d’une prison ! Je suis seul dans un univers hostile, mon père bien-aimé ne me comprend pas. Je ne suis pas bien vieux, cependant, et déjà derrière moi, que de plantes brisées, que de rosées devenues pluies, que de voluptés inassouvies, que d’amers désespoirs !…

« Pardonne-moi, mon amour, d’être aussi lugubre en ce moment. Je suis en voie de formation sans doute : mon cerveau bouillonne, et mon cœur aussi, (plus fort même encore, si c’est possible). Restons unis ! Nous éviterons ensemble les écueils, et ce tourbillon qu’on nomme plaisirs.

« Tout s’est évanoui dans mes mains, mais il me reste la volupté d’être à toi, notre secret, ô élu de mon cœur !!!

« J. »

« P. -S. Je termine en hâte cette missive, pressé par ma récitation dont je ne sais pas le premier mot. Zut !

« Ô mon amour, si je ne t’avais pas, je crois que je me tuerais ! »

« J. »