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sifflotait et dévisageait les enfants avec un mauvais regard. Enfin il avait ouvert un registre :

— « Inscrivez vos noms. »

Il s’adressait à Daniel parce qu’il paraissait l’aîné, — on lui eût donné seize ans, — mais surtout parce que la distinction de ses traits, de toute sa personne, contraignait à certains égards. Il s’était découvert en pénétrant dans l’hôtel ; non par timidité ; il avait une façon d’enlever son chapeau et de laisser retomber le bras, qui semblait dire : « Ce n’est pas particulièrement pour vous que je me découvre ; c’est parce que je tiens aux usages de la politesse. » Ses cheveux noirs, plantés avec symétrie, formaient une pointe marquée au milieu du front, qui était très blanc. Le visage allongé se terminait par un menton d’un dessin ferme, à la fois volontaire et calme, sans rien de brutal. Son regard avait soutenu, sans faiblesse ni bravade l’investigation de l’hôtelier ; et, sur le registre, il avait écrit, sans hésitation : Georges et Maurice Legrand.

— « La chambre, ce sera sept francs. Ici, on paie toujours d’avance. Le train de nuit arrive à 5 h. 30 ; je vous cognerai. »