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L’empereur les préside ; il porte sa couronne,
Sa couronne de fer, signe sombre et fatal.

— Fidèles conseillers, votre bouche loyale
Doit prononcer un libre et juste jugement :
Le noble rejeton d’une souche royale,
Une princesse, a pu s’oublier un moment !

Et l’empereur raconte en détail l’aventure,
Ayant bien soin d’omettre et les noms et le lieu.
Au tableau de l’amant sur sa svelte monture,
Les graves conseillers se dérident un peu.

Charlemagne reprend ; — L’affaire est sérieuse ;
En eutes-vous jamais d’aussi grave à traiter ?
L’audace du coupable est plus que factieuse ;
Sa complice est d’un sang qui doit se respecter.

Que d’abord votre arrêt porte sur la princesse !
Aucun des douze pairs ne peut se résigner
À trouver criminelle une tendre faiblesse ;
Tous répondent : — Seigneur, bien mieux vaut pardonner.

— Du galant, à son tour, appréciez l’offense,
Reprend l’empereur ; puis statuez sur son sort.
Onze des pairs encor votent pour l’indulgence ;
Seul, le plus jeune dit : — Il mérite la mort !

Celui qui prononçait un arrêt si sévère,
Sa pâleur vous eût dit que c’était Éginhardt.
— Oh ! la mort serait trop, conseiller-secrétaire ;
D’un cœur vraiment épris il faut faire la part.

— Des deux amants la faute est égale, la peine
Doit être égale aussi ; fixez-la donc, mes pairs.
J’ai dit que la coupable est fille d’une reine ;
Elle est plus noble encor… voyez mes pleurs amers !