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spirituels vous font toujours maigrir. Eh bien, j’ai à soumettre à vos lumières trois questions dont vous aurez à donner la solution d’ici à trois mois, jour pour jour, en solennelle séance de notre conseil impérial : je désire savoir d’abord ce que je vaux, mais à une parcelle près ; ensuite, combien de temps je mettrais à faire le tour du monde ; enfin, quelle sera ma pensée au moment même où vous paraîtrez ainsi devant moi, pensée qui devra être une erreur. Tâchez de trouver réponse satisfaisante à tout, seigneur abbé, sinon vous aurez cessé d’être abbé de Saint-Gall, et vous devrez quitter l’abbaye monté à rebours sur un âne, sa queue, en guise de bride, entre vos mains.

Voilà notre pauvre abbé fort en peine. Il envoie dans toutes les universités, dans toutes les facultés ; mais les plus fameux docteurs y perdent leur latin, personne ne trouve réponse aux terribles questions. Cependant les jours se passent, et le terme fatal approche ; il ne reste plus qu’un mois, il ne reste plus que quelques semaines, que quelques jours. Hélas ! l’abbé, naguère si florissant, n’est plus désormais qu’un squelette. Plus de repos, plus de sommeil, partant plus d’embonpoint, plus de joues rubicondes. Il va dans le bois voisin ruminer à l’ombre son désespoir. Il arrive, sans y prendre garde, près de son berger.

— Salut, seigneur abbé. Mais que vous voilà maigri ! Vous êtes donc bien malade ?

— Hélas ! oui, mon brave Vénix, je suis bien malade.

— Laissez-moi vous chercher quelque herbe salutaire, seigneur abbé.

— Ah ! mon brave Vénix, ce n’est point une herbe,