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à cette pluie odorante et chaude qui tombe lorsque ne gronde plus l’orage, et qui emprunte aux couleurs de l’arc-en-ciel je ne sais quel attrait mystérieux.

Le titre lui-même de ce récent volume réveille une idée mélancolique : Colchiques (Zeitlosen). Cette fleur d’un violet pâle, qui s’ouvre de préférence en automne, au milieu des herbes humides et déjà fanées, cette dernière étoile des prairies que noieront bientôt les pluies et les brouillards de novembre, symbolise parfaitement l’époque de la vie où l’âme se tourne vers des horizons plus sévères. Si les années n’autorisaient pas encore M. Hartmann à choisir un pareil symbole, il en a puisé le droit dans la maturité précoce que donne la rude école des désenchantements et des épreuves. Une portion considérable de son livre justifie d’ailleurs pleinement son titre, car le reste, composé de ballades, de légendes, de récits plus ou moins épiques et de traductions, n’est pas personnel à l’auteur. Doué d’un goût littéraire très-délicat, M. Hartmann n’est pas exposé à confondre les genres, et dans son œuvre, pour employer les termes de l’école allemande à propos d’un poète de race germanique, le subjectif et l’objectif sont nettement distincts. Quand déroule un récit dans lequel il ne joue pas directement un rôle, il se garde bien d’y mêler son individualité, à quelque titre que ce soit. Aussi toutes ses narrations se hâtent-elles avec un intérêt progressif vers le dénoûment. Il raconte en homme qui connaît son métier, mêlant à point et dans une juste mesure, le fantastique au réel. On sent, à l’entendre, qu’il a été un grand écouteur de contes dans son enfance, et sur une terre où la réalité même est souvent enveloppée de mer-