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Un moine, dit-il, m’a conduit sous terre dans les caveaux où même les empereurs tombent en poussière quand les appelle le Dieu tout-puissant.

Tous les cercueils des anciens jours, jusqu’à celui de François, je les ai tous vus tels qu’enchâssés dans l’argent et l’or ils sont alignés là dans un ordre funèbre.

Un seul parmi tous ces cercueils manque de blason et d’airain émaillé ; sans pompe (ainsi l’a voulu le défunt), mais dans sa simplicité pure, doit reposer là son noble cœur.

Ah ! comme je sentis se serrer ma poitrine quand le pieux moine ajouta :

Là-dedans gît notre père à tous, l’empereur Joseph gît dans ce tombeau !

Ces mots font sourire les paysans d’un air de doute :

Bah ! s’écrient-ils à l’unisson, c’est un mannequin qu’on a placé dans ce trou, et tu en auras été pour tes frais de douleur crédule : l’empereur Joseph n’est pas mort, l’empereur Joseph vit toujours.

Mais la parole du moine ?

Le moine t’a trompé ; c’est un jésuite qui a juré de mentir.

Mais cinquante ans se sont écoulés.

Veux-tu bien te taire, mécréant maudit !

Par saint Népomucène ! l’empereur aurait aujourd’hui plus de cent ans ! Et n’est-ce donc pas encore une preuve certaine de sa mort que ce cercueil modeste où l’on dit qu’il repose, ce cercueil simple et sans fard comme lui ?

À la porte ! le misérable coquin ! qu’on l’écrase, cette engeance impie ! s’écrient les paysans ivres d’indignation et les yeux flamboyants de fureur.

Ils le saisissent et le jettent hors de l’auberge ; puis ils retournent plus calmes à leurs verres. On entend encore gronder par moments des imprécations sourdes ; leur sauvage regard continue de lancer des flammes.

À la fin, cependant, ces vagues soulevées s’apaisent ; ils