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Les preux du bon vieux temps agissent et parlent différemment dans les romans chevaleresques d’Achim d’Arnim et d’Uhland, quand Uhland, ce croisé du droit moderne, s’amuse à évoquer, en les idéalisant, les splendeurs féodales, comme pour les opposer, par un saisissant contraste, aux efforts de certains partisans de privilèges vermoulus, pour arrêter dans sa marche, chaque jour plus rapide, le char qui porte désormais le principe civilisateur et moralisateur de l’égalité civile.

On dira peut-être que, pour un poète candide, il y a bien de l’ironie dans cette pièce, l’Ombre du moutier. Oui, mais c’est une ironie douce, qui sourit en montrant les travers, et qui les montre parce que la vérité est, avant tout, chère et sacrée à l’auteur. Le ton de cette moquerie sans fiel, que je définirais volontiers la naturelle gaieté du bon sens, est le caractère le plus saillant des littératures populaires, et l’on reconnaît, à différents signes, que M. Karl Candidus est intimement familiarisé, sous ce rapport, avec les naïves traditions du génie germanique. On en retrouve l’empreinte dans le tour de sa pensée comme dans l’allure de ses vers. On sent aussi que son âme a été une fidèle compagne de l’âme allemande à travers les siècles. Avec elle il a aimé, lutté, combattu, souffert, triomphé. N’est-ce pas un cri sorti des entrailles que cette ballade où se dressent les fantômes encore sanglants des Jacques de l’Allemagne, poussés à tous les excès de la vengeance et du désespoir par l’excès de toutes les misères et de l’oppression ?