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Car alors qu’il défiait en téméraire le Levant et le Couchant, heureux de se croire à l’abri du fer et du plomb, le talisman protecteur auquel se confiait le guerrier ne pouvait l’assurer contre les traits qui partaient du ciel.

Les sons du cor ne réveilleront plus le fougueux chasseur ; sur ses pieds est posé le feutre dont se parait un front menaçant. Qu’avec l’amas de ses butins s’élèverait haut sa tombe ! On a couché tête nue le dispensateur des couronnes.

Étoile brodée sur le vert habit et qui resplendissais par l’univers, tu ornes une poitrine creuse, tes rayons sont éteints. Cœur jadis brûlant et qui battais avec tant de force, un vase d’argent te renferme à jamais tranquille et glacé !

Coule-t-elle encore la source qui récréait l’agonisant ? Le saule funèbre pleure-t-il encore sur le plat monument ? Les navigateurs qui approchent font silence ; un murmure seulement descend du pont : — Ici dort Napoléon !


souvenir de la confédération

Je suis de ce monde d’autrefois dont il ne reste, sur tant de millions en vie, qu’un faible groupe. Ces doyens du siècle et moi, nous avons vu des choses que nul des futurs vivants ne reverra. C’était ce temps où une céleste flamme qu’avaient recelée des âmes d’élite, vint embraser à la fois toute une génération saintement liguée. Du brasier de l’autel une étincelle a jailli vers moi… Que de lustres se sont écoulés depuis !

Mais le trait de feu a pénétré dans mon sang ; il a développé les invincibles ardeurs qui le consument encore. Êtes-vous heureux, vous, d’un frais et doux repos ? Ah ! oui, vous ne brûlez point, je le vois, pour le bien suprême.

Devant nous s’était élevé un phénix renaissant qui se dérobe à vous dans les mornes brouillards. C’est pourquoi, nos neveux, l’esprit que nous gardons est étranger au vôtre, et nous parlons une autre langue.