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En ce moment, Etzel, privé de l’élite de ses hommes, se tourne d’un air morne vers son dernier soutien, son dernier espoir, le noble Rudiger de Bechlarn. C’est alors que le bon margrave se souvient avec douleur de la promesse qu’il a faite treize ans plus tôt à Chriemhilt, d’être toujours prêt à lui prêter secours, n’importe contre qui. Une lutte poignante s’engage dans l’âme de Rudiger, forcé d’opter maintenant entre la fidélité qu’il doit à sa maîtresse et reine, à son seigneur et roi, et l’amitié qu’il a jurée récemment à ses nobles hôtes de Bechlarn. Toutefois le sentiment profond du devoir ne lui permet pas d’hésiter longtemps. La fidélité envers Etzel, dont il est le vassal, doit passer avant les intérêts de son propre cœur. Son parti est pris. Il accomplira le grand sacrifice de l’amitié à ta fidélité envers son seigneur.

Les hommes de Rudiger se couvrent de leurs armes, et le bon margrave se présente à la porte de la salle. Une nouvelle épreuve l’y attend. Ses amis les Bourguignons lui rappellent la foi qu’il leur a donnée à Bechlarn. Le loyal guerrier répond qu’un devoir supérieur le lie à son maître, mais que, dans ce fatal combat, il ne vient chercher que la mort. Les Bourguignons comprennent cette impitoyable loi du dévouement, et Giselher lui-même, que la pensée d’un sort plus doux avait un moment attendri, reprend soudain un cœur viril ; il immole l’amour au devoir avec le courage qui convient aux héros. Avant d’engager la dernière lutte, le généreux margrave veut encore laisser à ses anciens hôtes un gage de cette amitié que la destinée va rompre, un gage de mort : il échange son bouclier contre celui que Gotelinde avait donné na-