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piterait sur nous, je ne te quitterai point d’un pas. — Que le Dieu du ciel te récompense, noble Folker ; que me faut-il de plus maintenant ? Ils peuvent venir, ces braves si bien protégés par leurs armes ! » Ainsi parle Hagen ; et cette scène attendrissante entre les deux guerriers nous réconcilie presque avec cet homme de fer qui, jusqu’à ce moment, s’est montré toujours si terrible. Déjà Chriemhilt est parvenue en face des deux héros. Folker, par un sentiment de déférence, se lève en présence de la reine ; mais Hagen reste assis d’un air de fierté calme, afin de ne pas donner à penser que la peur puisse s’emparer de lui. À ce mépris insolent des coutumes Hagen ajoute encore une autre provocation : à l’instant même où Chriemhilt s’avance vers lui, il pose en travers, sur ses genoux, une épée étincelante, au pommeau de laquelle brillé un jaspe plus vert que le gazon des prairies : c’était l’épée de Sigfrid, la fameuse Balmûng. Chriemhilt la reconnaît soudain, car c’est bien le même ceinturon doré, le même fourreau, chatoyant de pourpre et de pierreries, qu’elle avait vu briller si souvent au flanc gauche de son époux. Cette vue allume, dans l’âme de Chriemhilt, une haine plus ardente que jamais ; elle aborde brusquement le héros, et le salue d’un accent courroucé : « Qui donc a pu envoyer vers vous, Hagen, pour que vous vous soyez risqué à chevaucher jusqu’ici ? Vous savez pourtant ce que vous m’avez fait. — Je n’ai, à la vérité, reçu aucun message, répond Hagen. On a invité à se rendre dans ce pays trois rois qui sont mes seigneurs ; je suis leur homme, et, comme tel, je les accompagne partout. — Vous savez donc, reprend Chriemhilt, vous savez donc pourquoi