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partager avec lui un tel empire. — Soupirer et pleurer, répond Chriemhilt, sont plutôt faits pour moi que tout l’éclat de la royauté. Je ne suis plus capable de siéger à la cour, ainsi qu’il convient à une reine. Si tant est que j’aie été belle autrefois, depuis longtemps cette beauté s’est évanouie. »

En proie à ces tristes pensées, Chriemhilt, qui ne peut trouver le sommeil, attend le retour de l’aurore, étendue sur sa couche qu’elle arrose de ses larmes. Enfin paraît le jour, et avec lui Rudiger qui vient prendre une réponse décisive. Toutes les paroles du noble margrave ne peuvent rien contre la résolution de la reine ; mais lorsqu’il eut ajouté : « Et n’eussiez-vous dans le pays des Huns que moi, mes proches et mes hommes, quiconque oserait vous causer la plus petite peine éprouverait la pesanteur de notre bras ! » l’espoir de la vengeance se réveille aussitôt dans l’âme de la malheureuse veuve : « Ainsi donc, vous me jurez, dit-elle, de venger mon offense ; quelle qu’elle soit ? » Rudiger s’y engage par serment. Alors Chriemhilt lui présente sa main en signe de consentement, et peu de temps après elle prend avec lui la route qui mène dans le pays des Huns. Ses frères l’accompagnent jusqu’à la ville de Veringen, sur le Danube, et elle arrive enfin au bourg de Bechlarn, où l’épouse de Rudiger, la douce Gotelinde, l’accueille avec les honneurs dus à sa nouvelle reine et maîtresse. Après avoir fait une halte de peu de jours, les deux nobles voyageurs, escortés d’une foule qui s’accroît sans cesse, se remettent en route et parviennent à Tulna, où ils sont reçus par Etzel, accouru à leur rencontre avec une suite de vingt-quatre rois et puissants princes