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les galères de dunkerque

ordonna à chacun de présenter sa main ouverte, et il ne se trouva que celle de la servante qui fût blanche, celles des autres étant toutes noircies par le noir de fumée, qui était sur le dos du coq. Laviné s’écria d’abord : « Voici la voleuse des louis. Je m’en vais appeler le diable pour l’emporter. » Cette servante eut tant de frayeur qu’elle demanda grâce à genoux, avoua le vol et rendit les louis. Je n’ai raconté ceci que pour donner un exemple de l’industrie des galériens pour attraper l’argent des bonnes gens.

Il y a aussi dans ces baraques des joueurs de gibecière, de faux joueurs à la jarretière, des escamoteurs qui, priant les passants de leur changer un écu, en touchant leur petite monnaie, la leur enlèvent ou escamotent sans qu’ils s’en aperçoivent le moins du monde ; et quand ils ont fait leur coup, ils changent d’avis sous quelque prétexte pour ne pas changer leur écu. Il y a aussi des écrivains, les meilleurs notaires du monde pour faire de faux testaments, de fausses attestations, de fausses lettres de mariage, de faux congés pour les soldats ; mais ce dernier leur est trop dangereux, car si cela vient à se découvrir, ils sont pendus sans rémission. Ces écrivains savent contrefaire toutes sortes d’écritures. Ils ont des sceaux et cachets de toutes les sortes, sceaux de villes, sceaux d’évêques, archevêques, cardinaux, etc. Ils ont aussi bonne provision de toutes sortes de caractères pour les contrefaire dans les occasions, toutes sortes de papiers de différentes marques, et sont très habiles pour effacer et enlever plusieurs lignes d’écriture d’un acte authentique, et pour en écrire d’autres du même caractère sans qu’il y paraisse. Enfin ce sont de très habiles fripons, et qui travaillent à très bon marché pour attirer des chalands.

Les gens de métiers, qui travaillent dans ces baraques ne sont pas moins fripons. Le tailleur vole l’étoffe ; le cordonnier fait des souliers dont la semelle, au lieu de cuir, est une petite planchette de bois, qu’il couvre d’une peau de stockfish, collée par-dessus, et où il fait des points artificiels, qui ressemblent parfaitement à la couture d’une semelle, et cette peau, ainsi collée, paraît de couleur et de