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la vie aux galères

être conduits sur les galères de Sa Majesté, pour y servir de forçats à perpétuité, avec confiscation de nos biens, etc. Notre sentence lue, le juge nous demanda si nous voulions en appeler au Parlement de Tournai, auquel la ville de Marienbourg est ressortissante. « Nous n’en ferons rien, lui répondîmes-nous, sachant que le Parlement est dévoué aux ordres du roi, et qu’il n’examinera pas plus les preuves qui sont en notre faveur que vous. — Eh bien ! nous dit-il, il faut nécessairement que j’en appelle pour vous. » Nous le savions bien, car aucun juge subalterne ne peut exécuter de sentence où il y a punition corporelle, sans la faire vérifier au Parlement. « Ainsi préparez-vous, nous dit ce juge, à partir pour Tournai. — Nous sommes prêts à tout, » lui dîmes-nous.

Le même jour, on nous fit resserrer dans le cachot, et nous n’en sortîmes que pour partir pour Tournai, avec quatre archers, qui nous mirent les ceps aux mains et nous lièrent tous les deux l’un à l’autre avec des cordes. Notre route à pied fut fort pénible. Nous la fîmes par Philippeville, Maubeuge, Valenciennes et de là à Tournai. Tous les soirs, on nous mettait dans les plus affreux cachots qu’on pouvait trouver, au pain et à l’eau, sans lit ni paille pour nous reposer, et quand nous aurions mérité la roue, on ne nous eût pas plus cruellement traités.

Enfin arrivés à Tournai, on nous mit dans les prisons du Parlement. Nous étions sans sou ni maille, et cette prison n’étant abordée d’aucune personne charitable pour assister les prisonniers contre l’usage des autres prisons, et n’ayant que notre livre et demie de pain chacun par jour, nous fûmes bientôt réduits à mourir presque de faim. Pour surcroît, le curé de la paroisse obtint du Parlement qu’on ne travaillerait pas à la revision de notre procès qu’il ne nous eût fait auparavant sa mission, espérant de nous convertir. Mais ce curé, soit par paresse, soit pour nous prendre par famine, ne venait nous voir que tous les huit ou quinze jours, encore nous parlait-il si peu de religion que nous n’avions pas la peine de nous défendre, et lorsque nous voulions lui dire nos sentiments sur les vérités de la