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les galères de marseille

redescendîmes pour entrer dans la plaine du Piémont, le plus beau et plus agréable pays du monde.

Sans m’arrêter à décrire les villes, bourgs et villages par où nous passâmes, et dont aussi bien les noms me sont échappés pour la plupart, nous arrivâmes à Turin, capitale du Piémont et la résidence de Sa Majesté Sardinoise. Nous logeâmes dans des auberges, et dès le lendemain au matin nous eûmes la visite de plusieurs Français protestants, dont il y en a toujours bon nombre, qui font leur résidence dans cette ville pour leur commerce et qui vont dans les vallées prochaines des Vaudois assister au service divin. Ces messieurs, à qui M. Bonijoli avait annoncé notre arrivée, nous reçurent avec zèle et cordialité, nous défrayant de tout pendant trois jours que nous séjournâmes dans cette grande ville. Après quoi, nous ayant préparé des montures pour poursuivre notre route, il furent supplier le roi de Sardaigne de nous faire donner un passeport pour traverser ses États jusqu’à Genève. Sa Majesté, qui était pour lors Victor-Amédée, voulut nous voir. Six de nous furent admis à son audience. Les ambassadeurs de Hollande et d’Angleterre s’y trouvèrent. Sa Majesté nous fît un favorable accueil, et pendant une demi-heure nous interrogea sur le temps que nous avions été sur les galères, la cause pourquoi et les souffrances que nous avions endurées, et après que nous lui eûmes répondu, il se tourna vers les ambassadeurs et leur dit : « Voilà qui est cruel et barbare. » Ensuite, Sa Majesté nous demanda si nous avions de l’argent pour faire notre voyage. Nous lui dîmes que nous n’en avions pas beaucoup, mais que nos frères, nommément M. Bonijoli, de Nice, avaient eu la charité de nous défrayer jusqu’à Turin et que nos frères de Turin se préparaient à en faire de même jusqu’à Genève. On nous avait avertis de répondre ainsi à cette demande. Sur quoi Sa Majesté nous dit : « Vous pouvez rester dans Turin tout autant qu’il vous plaira pour vous y délasser, et lorsque vous en voudrez partir, vous pourrez venir à ma secrétairerie y prendre un passeport, que je donnerai ordre de tenir prêt. ». Nous