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les galères de dunkerque

Le lendemain, ce milord m’envoya son secrétaire pour me dire de sa part qu’il s’emploierait avec zèle pour notre délivrance, mais que, n’en étant pas le maître, il allait en écrire à la reine, et que ses ordres, qu’il s’assurait qui nous seraient favorables, détermineraient son action ; qu’il nous priait, en attendant, de prendre patience encore pendant quinze jours. Ce secrétaire ajouta que milord Hill nous offrait sa bourse, si nous avions besoin d’argent. Je lui répondis que nous n’avions besoin de rien que de la protection de milord et que j’étais très reconnaissant de la réponse qu’il faisait à mon placet et du zèle qu’il témoignait avoir pour nous rendre service. Je fis savoir cette réponse à nos frères, qui étaient sur les six galères, en les exhortant en même temps d’être circonspects avec les soldats anglais et d’éviter tout discours qui pourrait les animer à user de violence pour nous procurer notre liberté. Dès lors, tout se tint tranquille et chacun de nous attendit avec patience des nouvelles d’Angleterre.

Pendant les quinze jours que le gouverneur nous avait demandés, soit qu’il eût écrit à la reine ou non, il se rendit grand ami de M. de Langeron, notre commandant. Un jour, milord lui dit qu’il ne comprenait pas comment la Cour de France avait pu faire la bévue de ne pas nous faire sortir de Dunkerque avant qu’ils y fussent entrés, que cette cour ne pouvait pas ignorer que la nation anglaise regardait avec horreur les mauvais traitements qu’on faisait aux protestants pour cause de religion et que même, dans toutes les églises en Angleterre, on priait Dieu tous les jours pour la délivrance des réformés qui souffraient sur les galères de France ; qu’en un mot, la Cour de France aurait dû prévoir que, les Anglais étant les maîtres de Dunkerque, et ces 22 protestants, qui gémissaient dans les fers pour leur religion, étant sous les étendards et à la vue de la garnison anglaise, la reine ne pouvait manquer à les faire délivrer, ne fût-ce que pour éviter le désagrément d’obéir en quelque sorte à la soldatesque, qui menaçait déjà de faire violence, si on ne délivrait ces gens-là. M. de Langeron ne put s’empêcher de convenir qu’effecti-