Page:Marteilhe - La vie aux galères, 1909.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
la vie aux galères

cruautés inouïes contre ses vassaux de la religion, envoyant chaque jour enlever des paysans de tout sexe et de tout âge et leur faisant souffrir, en sa présence et sans autre forme de procès, les tourments les plus affreux, portés contre quelques-uns jusqu’à la mort, pour les obliger, sans autre connaissance de cause que sa volonté, d’abjurer sur-le-champ leur religion. Il contraignit donc tous ces pauvres malheureux à faire les serments les plus affreux de rester inviolablement à la religion romaine. Pour témoigner la joie et la satisfaction qu’il ressentait de ses heureux succès, il fit faire des réjouissances publiques au bourg de Laforce, où est situé son château, et allumer un feu de joie d’une magnifique bibliothèque composée de livres pieux de la religion réformée, que ses ancêtres avaient soigneusement recueillis[1]. Il en usa de la même manière à Tonneins, en Gascogne, fort fâché sans doute que ses ordres eussent resserré son zèle dans les terres de sa domination. La ville de Bergerac, pour cette fois, fut exempte de la persécution, ainsi que plusieurs villes des environs.

Le duc de La Force, fier des belles conversions qu’il avait faites, en fut rendre compte à la Cour[2]. Il obtint de revenir en Périgord en l’année 1700, pour convertir par une dragonnade impitoyable les huguenots des villes royales de cette province. Il vint donc à Bergerac où il établit son domicile, accompagné de ses quatre mêmes jésuites et d’un régiment de dragons, dont la mission

  1. Voir Relation et dessein du feu d’artifice fait à la Force le 21 décembre 1699 par la Justice et le peuple du duché nouvellement réunis à la religion catholique, apostolique et romaine, après une mission de trois mois et à l’ouverture d’une autre mission solennelle. À Rouen, chez Guillaume Machuel. On y lit : « Au travers de l’arc de triomphe, on découvre un bûcher sur lequel on sacrifie à la religion plusieurs livres hérétiques trouvés en partie dans la bibliothèque du château de La Force et portés en partie par le zèle de plusieurs particuliers qui ont voulu entrer en participation de l’holocauste. »
  2. « Sa Majesté, lui écrivait Seignelay, est très contente de votre conduite, de l’application que vous prenez à l’instruction de vos vassaux et des bons exemples qu’ils reçoivent de vous » (23 octobre 1699).