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les galères de dunkerque

cer le capitaine à se rendre. Le sergent, à la tête de son détachement, eut bientôt enfoncé cette porte, mais le capitaine, qui l’attendait là, le pistolet à la main, lui cassa la tête et le renversa roide mort. Les douze grenadiers, voyant cela et craignant le même sort, s’enfuirent et il ne fut possible aux officiers d’y faire avancer aucun autre soldat, car ils disaient pour leur défense que, ne pouvant entrer qu’un à un dans cette chambre, le capitaine les tuerait tous l’un après l’autre. Il fallut encore tenter la voie de la douceur pour l’avoir. Alors ce capitaine, qui n’avait tant résisté que pour amuser les galères et donner le temps à sa flotte d’entrer dans la Tamise, s’apercevant aux fanaux que portaient les navires qu’elle y était toute entrée, ne se fit plus tirer l’oreille pour se rendre. Mais pour donner surabondance de temps à quelques traîneurs de la flotte et pour que la nuit les dérobât entièrement à la poursuite des Français, il prétexta encore un délai, disant qu’il ne remettrait son épée qu’entre les mains du commandant des galères, qui devait venir la prendre à son bord. On établit une trêve pour en aller faire le rapport au commandant qui envoya son second à ce capitaine, pour lui représenter qu’il n’était pas du devoir d’un commandant de quitter son poste. Ce capitaine, n’ayant plus rien à faire pour mettre sa flotte en sûreté, rendit son épée. On le descendit dans la galère auprès du commandant, qui fut surpris de voir un homme tout contrefait, bossu devant et derrière. Notre commandant lui fit compliment lui disant que c’était le sort des armes et qu’il aurait lieu de se consoler de la perte de son navire, par le bon traitement qu’il lui ferait. « Je n’ai aucun regret, lui répondit-il, de la perte de ma frégate, puisque je suis venu à bout de mon dessein qui était de sauver la flotte qui m’avait été confiée et que d’ailleurs j’avais pris la résolution, dès que je vous ai aperçu, de sacrifier mon vaisseau et ma propre personne pour la conservation du bien qui était sous ma défense. Vous trouverez encore, ajouta-t-il parlant au commandant, quelque peu de plomb et de poudre que je n’ai pas eu le temps de vous donner. Voilà tout ce que vous trouverez de plus précieux sur la