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toujours avouer, page sentimentale qu’on peut lire à tout le monde, tout haut et partout.

Les Bourbons rentrés en France, en ce retour de la paix et de l’âge d’or, comme on disait alors, les soirées se passaient a veiller, à jouer et à danser avec la jeunesse de notre âge, dans les maisons hospitalières des amis de nos parents. S’abstenant d’invitations cérémonieuses, on se réunissait sans façon, attirés les uns et les autres par le triple charme de l’opinion, des beaux yeux et du plaisir.

Dans ces petites fêtes, je voyais chaque soir, et je voyais souvent encore dans la journée, une jeune fille qui fit sur moi la plus vive impression ; c’était Mlle Virginie Nodier, dont la mère, veuve d’un ancien chef d’escadron, cousin de notre spirituel littérateur Charles Nodier, était restée veuve avec deux filles. Jamais Raphaël, dans ses plus suaves créations, n’a dessiné un type de vierge aussi calme, aussi pur, aussi noble, aussi parfait que celui qu’offrait le visage divin de Mlle Nodier l’aînée.

Je causais souvent avec Virginie, qui semblait prendre plaisir à mes racontages. C’était une jeune fille grande et svelte, à la taille souple comme un épi de blé, au long regard à la fois doux et caressant ; sa beauté était un mélange de chasteté et d’innocence. Elle parlait à l’âme et à l’imagination, jamais aux sens ; elle avait l’ignorance d’une vierge devant qui les mots d’amour eussent semblé des blasphèmes et les désirs matériels des sacrilèges.

À cette époque de ma première jeunesse, on aurait