Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les gondoles étaient de grandes et belles voitures, organisées à la manière anglaise, par M. de Bonnecarrère qui avait joué un petit bout de rôle pendant la Révolution, grâce à Mirabeau, lequel, ayant quelque sympathie pour lui, l’avait fait nommer ambassadeur dans une petite principauté d’Allemagne. Je me rappelle avoir vu dans la chambre à coucher de M. de Bonnecarrère une lettre fort curieuse du grand orateur, à lui Bonnecarrère ; elle était encadrée avec luxe et placée à côté du lit de ce dernier. Les gondoles se divisaient en trois compartiments, le coupé, l’intérieur et la gondole. Quand j’arrivai, il n’y avait plus de place dans l’intérieur où s’était installée Mme  de Laporte et je fus obligé de monter dans le coupé, sans avoir pu, malgré les manœuvres les plus savantes, les plus diplomatiques, réussir à changer de place. Je pris donc mon parti en brave, mais, avant de monter en voiture, je m’approchai de Mme  de Laporte et lui dis : « Permettez-moi, au moins, puisque le sort me sert aussi mal, d’espérer que nous ferons ensemble un tour de promenade aux Tuileries. — Un tour aux Tuileries ? s’écria-t elle avec un air qui affectait la surprise, oh ! c’est impossible, mais nous pourrons causer quelques instants en quittant le bureau. »

J’ai déjà parlé de mon camarade Alexandre de Fleury ; la porte de sa chambre à la préfecture était vis-à-vis de la mienne, il n’avait pas de secrets pour moi, je n’en avais point pour lui. Nous allions presque toujours ensemble dans les mêmes soirées, pourtant