Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dès ce moment, j’allai beaucoup dans le monde, je travaillai avec plus d’ardeur que jamais, et je fis seul chaque jour de longues et fatigantes promenades, cherchant ainsi à me débarrasser d’une pensée importune, qui s’obstinait à tenir garnison dans mon cerveau et dans mon cœur et qu’il fallait en chasser à tout prix.

Enfin, le mariage eut lieu, et, dès ce jour, je ne m’occupai plus de Mme d’Houdetot que comme d’une femme parfaite, mais qui n’entrait plus dans ma vie comme une nécessité.

J’ai lu dans maint et maint roman que, dans les positions analogues à celle où je me trouvais, le sentiment qui s’en va se borne rarement à disparaître ; que ces retours ne se font pas sans un élan de passion qui vous jette dans une extrémité contraire et qu’ordinairement, après s’être haï ou aimé, la pure et simple indifférence n’est guère possible. Eh bien ! c’est précisément ce qui m’arriva.

Je ne retombai pas dans mon affection première. Mme d’Houdetot ne fut plus pour moi Mlle Stéphanie des Touches, et, dès que ce parfum, cette virginité, ce prestige de la jeune fille eurent disparu dans les plis étoffés et dans les flots de dentelle de sa robe de mariée, toutes mes tendresses, toutes mes illusions si douces s’envolèrent pour ne plus revenir. Il est vrai de dire que je ne lui avais jamais dit un mot de ma tendre affection pour elle, et que si cette affection s’est parfois trahie, ce sont mes yeux seuls, et toujours à mon insu, qui la lui auront révélée.