Page:Markovitch - La Révolution russe vue par une Française, 1918.djvu/269

Cette page a été validée par deux contributeurs.
265
VERS L’OFFENSIVE

homogène que rien ne divise contre elle-même — et la Russie soumise jusqu’à l’héroïsme, aimant l’oppression qu’elle subit ; la Russie où, dès les origines de son histoire, chaque essai de révolution n’est qu’une révolte contre un chef, ou doit prendre l’aspect d’un loyalisme plus profond en paraissant faite pour rétablir sur son trône un tsar victime d’un usurpateur. Kérensky obtiendra-t-il que le peuple remonte ce terrible courant ? On parle d’un mouvement réactionnaire dans le Sud en faveur du grand-duc Nicolas, et d’un autre en faveur d’un Demidov.

27 mai/8 juin. — J’ai causé ce matin avec une vieille femme, très simple, dont la mise tient le milieu entre la bourgeoise et l’artisane. Comme je lui demandais mon chemin elle a poussé la complaisance jusqu’à vouloir m’accompagner à destination. La conversation a glissé fatalement, et à une rapide allure, vers les difficultés de la vie à Pétrograd.

— Voyez-vous, me dit la bonne vieille, c’est leur faute. Nous n’étions pas prêts. Nous ne sommes que de pauvres gens, sachant à peine lire et écrire. C’est notre président de