Page:Markovitch - La Révolution russe vue par une Française, 1918.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

soldat siège et vend au public les prospectus, les brochures, les journaux de propagande dont elles sont chargées. Des affiches collées aux colonnes, des pancartes plaquées aux murs, rompent très peu harmonieusement l’ordonnance des lignes architecturales. Pourquoi le souci de l’art et de la beauté meurt-il toujours avec l’avènement des démocraties ? Oui, je sais, les démocraties sont houleuses, mouvantes comme la vie, et pour qui sait voir, cela est de l’art aussi ; mais c’est de l’art incohérent, de l’art inachevé, sans forme, sans ordre, sans harmonie, c’est moins de l’art que de la matière d’art. Pour que cet art s’organise il faut une longue initiation. L’initiation achevée, la démocratie bouillante de jadis s’est assagie, est devenue une bourgeoisie forcément conservatrice… et tout est à recommencer !…

J’entre dans la salle des séances au moment précis où le ministre de la Guerre et de la Marine, Goutchkov, annonce sa démission : « Camarades, officiers et soldats, ce n’est plus en ministre que je viens à vous ! » Minute pathétique ! La vaste érudition militaire de M. Goutchkov, ses efforts persévérants