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LA RÉVOLUTION RUSSE

camarade. Je lui fais part de mes craintes : la Révolution russe déviant de sa véritable voie, passant de l’élan libéral et démocratique au socialisme révolutionnaire, puis à l’internationalisme et enfin risquant de verser dans l’anarchie ; je montre la capitale menacée, insuffisamment protégée par des troupes en qui le souffle révolutionnaire semble avoir éteint la flamme patriotique qu’il aurait dû aviver.

Une avalanche de reproches fond aussitôt sur ma tête : — On voit bien que depuis près de deux ans je « respire le souffle empoisonné du pessimisme de Pétrograd ! » Les Allemands vont venir ? Eh bien ! qu’ils viennent ! On les recevra. Savez-vous, oui ou non, de quoi une armée révolutionnaire est capable pour sauver la patrie en danger ?

Hélas ! encore la classique formule, née de l’admirable héroïsme de nos « sans-culottes » de 89 ! Oui, ceux-là, oui ! Ils avaient l’amour du sol natal chevillé à l’âme. Sans pain, sans souliers, armés de faux et de bâtons, pareils à des Titans, ils faisaient trembler les canons de Brunswick. Qui refera après eux l’assaut de Valmy ? Cette sublime indifférence devant