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Le Marquis.

Oui, ma fille. Voici une lettre que je viens de recevoir de lui, et qu’il a écrite la veille de son départ. Il me mande qu’il vient vous offrir sa fortune, et nous le verrons peut-être ce soir. Vous m’aviez paru jusqu’ici très médiocrement prévenue en sa faveur, vous avez changé. Puisse-t-il mériter la préférence que vous lui donnez ! Si vous voulez lire sa lettre, la voilà.

Dorante.

Je pourrais être de trop dans ce moment-ci, monsieur, et je vous laisse seuls.

Le Marquis.

Non, Dorante, je n’ai rien à dire, et je n’aurais d’ailleurs aucun secret pour vous. Mais, de grâce, satisfaites ma juste curiosité. Quel est cet honnête homme de vos amis qui songeait à ma fille, et qui se serait cru si heureux de partager ses grands biens avec elle ? En vérité, nous lui devons du moins de la reconnaissance. Il aime tendrement Angélique, dites-vous ? Où l’a-t-il vue, depuis six ans qu’elle est sortie de Paris ?

Dorante.

C’est ici, monsieur.

Le Marquis.

Ici, dites-vous ?

Dorante.

Oui, monsieur, et il y a même une terre.

Le Marquis.

Je ne me rappelle personne que cela puisse regarder. Son nom, s’il vous plaît ? Vous ne risquez rien à nous le dire.