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Lisette.

Je sis tout ébahie ; car j’ons vu des mines d’amoureux, et il en avait une pareille ; je vous prends à témoin.

Angélique.

Jusque-là que j’ai craint qu’à la fin il ne m’obligeât à le refuser lui-même. Je m’imaginais qu’il m’aimait ; je ne le soupçonnais pas, je le croyais.

Lisette.

Avoir un visage qui ment, est-il permis ?

Angélique.

Non, Lisette ; il n’a été que ridicule, et c’est nous qui nous trompions. Ce sont ses petites façons doucereuses et soumises que nous avons prises pour de l’amour ; c’est manque de monde. Ces petits messieurs-là, pour avoir bonne grâce, croient qu’il n’y a qu’à se prosterner et à dire des fadeurs ; ils n’en savent pas davantage.

Lisette.

Encore, s’il parlait pour son compte, je li pardonnerais quasiment ; car je le trouvais joli, comme vous le trouviais itou, à ce qu’ous m’avez dit.

Angélique.

Joli ? Je ne parlais pas de sa figure ; je ne l’ai jamais trop remarquée ; non qu’il ne soit assez bien fait ; ce n’est pas là ce que je conteste.

Lisette.

Pardi ! non ; n’y a pas de rancune à ça ; c’est un mal appris qui est bien tourné, et pis c’est tout.