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Madame Argante.

Eh ! sans doute ; elle est si jeune et si innocente !

Frontin.

Madame, le mariage en impromptu étonne l’innocence, mais ne l’afflige pas ; et votre fille est allée se trouver mal dans sa chambre.

Madame Argante.

Vous verrez, monsieur, vous verrez… Allez, Lisette, dites-lui que je lui ordonne de venir tout à l’heure. Amenez-la ici ; partez. (À Frontin.) Il faut avoir la bonté de lui pardonner ces premiers mouvements-là, monsieur, ce ne sera rien. (Lisette sort.)

Frontin.

Vous avez beau dire, on a eu tort de m’exposer à cette aventure-ci ; il est fâcheux à un galant homme, à qui tout Paris jette ses filles à la tête, et qui les refuse toutes, de venir lui-même essuyer les dédains d’une jeune citoyenne de village, à qui on ne demande précisément que sa figure en mariage. Votre fille me convient fort, et je rends grâces à mon ami de l’avoir retenue ; mais il fallait, en m’appelant, me tenir sa main si prête et si disposée que je n’eusse qu’à tendre la mienne pour la recevoir ; point d’autre cérémonie.

Lucidor.

Je n’ai pas dû deviner l’obstacle qui se présente.

Madame Argante.

Eh ! messieurs, un peu de patience ; regardez-la, dans cette occasion-ci, comme un enfant.