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dire qu’il aurait grand tort de me tromper ; car je voudrais de tout mon cœur que ce fût lui ; je crois qu’il m’aimait, et je le regrette.

Frontin.

Vous avez raison, il en valait bien la peine. (À part.) Que cela est flatteur !

Lisette.

Voilà qui est bien particulier : à chaque fois que vous parlez, il me semble l’entendre.

Frontin.

Vraiment, il n’y a rien là de surprenant ; dès qu’on se ressemble, on a le même son de voix, et volontiers les mêmes inclinations. Il vous aimait, dites-vous ; et je ferais comme lui, sans l’extrême distance qui nous sépare.

Lisette.

Hélas ! je me réjouissais en croyant l’avoir retrouvé.

Frontin, à part le premier mot.

Euh !… Tant d’amour sera récompensé, ma belle enfant, je vous le prédis. En attendant, vous ne perdrez pas tout ; je m’intéresse à vous ; je vous rendrai service. Ne vous mariez point sans me consulter.

Lisette.

Je sais garder un secret. Monsieur, dites-moi si c’est toi…

Frontin, en s’en allant.

Allons, vous abusez de ma bonté ; il est temps que je me retire. (À part.) Ouf, le rude assaut !