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mère ! Rien ne nous a gênés dans nos entrevues. Eh bien ! Dorante, apprenez qu’elle les savait toutes, que je l’ai instruite de votre amour, du mien, de vos desseins, de mes irrésolutions.

Dorante.

Qu’entends-je ?

Angélique.

Oui, je l’avais instruite. Ses bontés, ses tendresses m’y avaient obligée ; elle a été ma confidente, mon amie ; elle n’a jamais gardé que le droit de me conseiller ; elle ne s’est reposée de ma conduite que sur ma tendresse pour elle, et m’a laissée la maîtresse de tout. Il n’a tenu qu’à moi de vous suivre, d’être une ingrate envers elle, de l’affliger impunément, parce qu’elle avait promis que je serais libre.

Dorante.

Quel respectable portrait me faites-vous d’elle ! Tout amant que je suis, vous me mettez dans ses intérêts même ; je me range de son parti, et me regarderais comme le plus indigne des hommes, si j’avais pu détruire une aussi belle, aussi vertueuse union que la vôtre.

Angélique, à part.

Ah ! ma mère, lui dirai-je qui vous êtes ?

Dorante.

Oui, belle Angélique, vous avez raison. Abandonnez-vous toujours à ces mêmes bontés qui m’étonnent, et que j’admire. Continuez de les mériter, je vous y exhorte. Que mon amour y perde ou non, vous le devez. Je serais au désespoir, si je l’avais emporté sur elle.