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Madame Argante.

Songez-vous que de pareils engagements déshonorent une fille ; que sa réputation en demeure ternie, qu’elle en perd l’estime publique, que son époux peut réfléchir un jour qu’elle a manqué de vertu ; que la faiblesse honteuse où elle est tombée doit la flétrir à ses yeux mêmes, et la lui rendre méprisable ?

Angélique, vivement.

Ah ! Dorante, que vous étiez coupable ! Madame, je me livre à vous, à vos conseils ; conduisez-moi ; ordonnez ; que faut-il que je devienne ? Vous êtes la maîtresse ; je fais moins cas de la vie que des lumières que vous venez de me donner. Et vous, Dorante, tout ce que je puis à présent pour vous, c’est de vous pardonner une proposition qui doit vous paraître affreuse.

Dorante.

N’en doutez pas, chère Angélique ; oui, je me rends, je la désavoue ; ce n’est pas la crainte de voir diminuer mon estime pour vous qui me frappe, je suis sûr que cela n’est pas possible ; c’est l’horreur de penser que les autres ne vous estimeraient plus, qui m’effraye. Oui, je le comprends, le danger est sûr. Madame vient de m’éclairer à mon tour, je vous perdrais ; et qu’est-ce que c’est que mon amour et ses intérêts, auprès d’un malheur aussi terrible ?

Madame Argante.

Et d’un malheur qui aurait entraîné la mort d’Angélique, parce que sa mère n’aurait pu le supporter.

Angélique.

Hélas ! jugez combien je dois l’aimer, cette