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Madame Argante.

Eh ! ma fille ! il y en aura tant d’autres qui t’aimeront encore plus que lui.

Angélique.

Oui ; mais je ne les aimerai pas, moi, m’aimassent-ils davantage ; et cela n’est pas possible.

Madame Argante.

D’ailleurs, il sait que tu es riche.

Angélique.

Il l’ignorait quand il m’a vue ; et c’est ce qui devrait l’empêcher de m’aimer. Il sait bien que quand une fille est riche, on ne la donne qu’à un homme qui a d’autres richesses, toutes inutiles qu’elles sont ; c’est du moins l’usage ; le mérite n’est compté pour rien.

Madame Argante.

Tu le défends d’une manière qui m’alarme. Que penses-tu donc de cet enlèvement ? Dis-moi, tu es la franchise même ; ne serais-tu point en danger d’y consentir ?

Angélique.

Ah ! je ne crois pas, ma mère.

Madame Argante.

Ta mère ! Ah ! le ciel la préserve de savoir seulement qu’on te le propose ! Ne te sers plus de ce nom ; elle ne saurait le soutenir dans cette occasion-ci. Mais pourrais-tu la fuir ? te sentirais-