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tenait un livre ; elle le laissa tomber ; il le ramassa, et on se parla ; cela est tout naturel.

Madame Argante, riant.

Va, ma chère enfant, tu es folle de t’imaginer que tu aimes cet homme-là. C’est Lisette qui te le fait accroire. Tu es si fort au-dessus de pareille chose ! tu en riras toi-même au premier jour.

Angélique.

Non, je n’en crois rien, je ne m’y attends pas, en vérité.

Madame Argante.

Bagatelle, te dis-je. C’est qu’il y a là dedans un air de roman qui te gagne.

Angélique.

Moi, je n’en lis jamais ; et puis notre aventure est toute des plus simples.

Madame Argante.

Tu verras, te dis-je ; tu es raisonnable, et c’est assez ; mais l’as-tu vu souvent ?

Angélique.

Dix ou douze fois.

Madame Argante.

Le verras-tu encore ?

Angélique.

Franchement, j’aurais bien de la peine à m’en empêcher.